BIO
FR
Jonathan Pêpe né à Toulouse en 1987 à était formé à L’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges puis au Fresnoy, Studio national des arts contemporains. Il enseigne à l’ITECOM Art and Design en tant que professeur de 3D. Ses recherches plastiques en perpétuelle mutation peuvent se matérialiser sous la forme de dessins, de films, d’installations qui peuvent être interactives, évolutives et robotiques. Jonathan Pêpe produit des fictions en détournant des techniques contemporaines comme la «soft-robotique», au travers d’œuvres telles qu’Exo-biote (2015) ou Haruspices (2019), qui mettent en scène des sculptures de silicone en mouvement, qui feignent de respirer. Souvent réalisées en collaboration avec des laboratoires de recherche (INRIA, CNRS) les œuvres de Jonathan Pêpe questionnent sous différents angles les curseurs où, nous les humains, plaçons la frontière entre le vivant et le non-vivant. Il a notamment exposé à Paris, Bruxelles, Madrid, Rome, Moscou, Budapest et Kaoshiung.
EN
Jonathan Pêpe, born in Toulouse in 1987, was trained at the National
School of Art in Bourges then at Fresnoy, National Studio of
Contemporary Arts. Since 2022, he teaches at ITECOM Art and Design as a 3D teacher.
His works, in perpetual mutation, can take the form of drawings,
films, installations that can be interactive, evolving or robotic.
Jonathan Pêpe produces fictions by diverting contemporary techniques
such as "soft-robotics", through works such as Exo-biote
(2015) or Haruspices (2019), which feature moving silicone sculptures
fainting to breathe. Often produced in collaboration with research
laboratories (INRIA, CNRS), Jonathan Pêpe's works question from
different angles the cursors where we, humans, place the border
between the living and the non-living. He has exhibited his works in
many places, including Paris, Brussels, Madrid, Rome, Moscow,
Budapest and Kaoshiung...
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TEXTES/
Une histoire de croyances. Voilà ce qui pourrait synthétiser le travail de Jonathan Pêpe, jeune artiste prolifique issu d’abord des Beaux-Arts de Bourges avant d’être diplômé du Fresnoy. On aurait tort cependant de résumer, puisque sa pratique, dense et polymorphe, ouvre les champs du possible sans précédent aucun. Dessins, installations, modélisations 3D, sons et films constituent la palette de médiums qui lui permettent de déployer des récits enveloppants aux couleurs artificielles. Lorsqu’on interroge l’artiste sur la place ubiquiste qu’occupe la narration dans son oeuvre, il explique que ses fictions émanent de rêves éveillés, sorte d’auto hypnose qu’il exerce. En résultent des trames oniriques, parfois teintées d’un certain érotisme. C’est dans une atmosphère médicale, aux abords de la science-fiction cyberpunk, qu’il met en scène des formes alliant la robotique à l’organique, sondant notre rapport intime aux nouvelles technologies. Les oeuvres de Jonathan Pêpe, espèces d’automates biogéniques, singent la vie, le souffle et la psyché.
Si à première vue l’artiste semble aborder des questions contemporaines relatives aux progrès technologiques, ses réflexions proviennent en réalité de la pensée philosophique ancienne. En effet, la question de savoir ce qui distingue le vivant du non vivant puise ses origines chez Aristote. Ce dernier distinguait trois types d’espèces : les plantes, les animaux et les êtres humains, reléguant ainsi les esclaves au rang de modestes outils. Déjà alors, la distinction entre l’être et l’outil semblait équivoque. Peut-on simuler quelque chose d’organique dans toute sa complexité ? Et si la simulation se révèle parfaite, où se situe la frontière discernant le réel du simulacre ? Ces considérations transhumanistes animent le travail de Jonathan Pêpe depuis ses débuts.
Pour l’exposition des finissants en 2015, il réalisa Exo-Biote, un ensemble d’éléments à mi-chemin entre l’objet connecté et le petit mollusque, disposé soigneusement derrière une vitrine sur le modèle de l’ultime kit à se procurer afin d’augmenter son propre corps, comme si lui-même pouvait devenir objet de consommation obsolète. Deux ans plus tard, lors de l’exposition « Rêve des formes » au Palais de Tokyo, l’artiste présenta Staglamême, une installation immersive résultant d’une collaboration avec le spécialiste du big data David Chavalarias et l’artiste Thibaut Rostagnat. Cette fois, l’oeuvre traite de l’effervescence d’informations inhérentes aux réseaux sociaux. Au plus profond d’une grotte virtuelle, des concrétions se forment et dégoulinent en temps réel lorsque des thèmes sous-jacents au dérèglement climatique sont abordés sur Twitter. Présenté durant le Sommet du G20, Staglamême interroge le devenir de l’humanité. Comment survivre face à l’hyperproduction ? Quelles traces laissons-nous ? Que traduisent ces données ?
Dans La Condition Postmoderne, Jean-François Lyotard écrivait : « [Le savoir] ne peut passer dans les nouveaux canaux, et devenir opérationnel, que si la connaissance peut être traduite en quantité d’information. On peut donc en tirer la prévision que tout ce qui dans le savoir constitué n’est pas ainsi traduisible sera délaissé, et que l’orientation des recherches nouvelles se subordonnera à la condition de
traduisibilité des résultats éventuels en langage machine ». Nous pourrions ainsi émettre l’hypothèse que certains sentiments, pulsions ou autres cris du corps seraient laissés à l’abandon, inaudibles dans un futur toujours plus informatisé. À cela, l’artiste répond par Haruspices dont l’appellation désigne l’art divinatoire pratiqué en Rome antique consistant à lire dans les entrailles d’un animal. Cette oeuvre, composée de quatre organes en silicones, de câbles, d’une cage thoracique rigide, le tout disposé sur un fauteuil orthopédique, est connectée à l’intelligence artificielle IBM Watson. Cette dernière lui communique en continu les émotions qu’elle conçoit face aux sujets les plus twittés. Selon le degré d’humeur, les organes pulsent à un rythme
plus ou moins élevé, à la cadence d’un monde terriblement exalté.
Indira Béraud
1 Jean-François Lyotard, La Condition Postmoderne, Paris : Aux Éditions de Minuit, 2016, p.13.
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